IMPACT – L’Alignement de l’Investissement sur la Durabilité : Une préoccupation et une ambition partagées | Bilan de l’académie EBSOMED

Publié le 07 septembre 2023

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Rédigé par Zoé Luçon, Experte ANIMA

Dans un contexte d’urgence écologique mondiale, d’autant plus vrai dans le point chaud du climat méditerranéen, un nombre croissant d’entreprises et d’organisations de soutien aux entreprises sont prêtes à s’engager sur la voie du développement durable.

Le réseau ANIMA embrasse pleinement ce défi et en a fait un objectif dédié dans sa stratégie triennale (2022-2024) « Canaliser la contribution du secteur privé aux ODD et promouvoir l’investissement à impact ».

Les réglementations nationales et les initiatives internationales ouvrent progressivement la voie à l’engagement du secteur privé et doivent désormais viser à permettre un changement systémique. Parmi elles, la Directive sur la publication de l’information en matière de durabilité des entreprises, adoptée par l’Union européenne en 2022, représente un changement majeur pour tous les partenaires économiques de l’Europe.

La conférence internationale coorganisée par l’Union pour la Méditerranée et le Réseau d’Investissement ANIMA avec le soutien du projet EBSOMED et de la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit – GIZ GmbH le 23 mai 2023 à Barcelone a permis de faire le point sur les réglementations encourageant les entreprises à s’engager dans la voie du développement durable, de présenter les stratégies du secteur privé et des agences publiques dans ce domaine, et de plaider en faveur d’une stratégie euro-méditerranéenne concertée visant à éviter que la recherche d’attrait pour les investisseurs ne conduise à une réduction des exigences écologiques et sociales.

Contexte

Les flux d’investissement étranger vers l’Afrique du Nord ont chuté de plus de 30 % entre 2019 et 2021, tandis qu’ils ont augmenté de 6 % dans le monde entier. La diminution au sein de l’Union européenne était encore plus alarmante, atteignant -65 % entre 2019 et 2021. Dans ce contexte, il y a un risque que les pays touchés par la baisse des flux d’investissement étranger provoquée par la COVID-19 deviennent moins attentifs à la qualité des futurs projets d’investissement, comme l’a souligné Emmanuel Noutary (ANIMA).

Il est cependant essentiel que les autorités publiques évitent de tomber dans le piège des stratégies d’attraction des investissements à court terme. Mettre l’accent sur la qualité des futurs projets d’investissement est plus que jamais essentiel pour les pays européens et méditerranéens : garantir la contribution de l’investissement au développement de secteurs productifs durables, la création d’emplois de qualité, soutenir les efforts visant à réduire l’empreinte environnementale minimale pour assurer la cohérence avec les engagements climatiques en font partie.

Comme l’a montré la présentation principale de Nathalie Hilmi (GIEC et Centre Scientifique de Monaco), la région méditerranéenne est particulièrement exposée aux conséquences du changement climatique, qui affecte déjà nos économies et notre vie quotidienne, « touchant de manière particulièrement sévère les écosystèmes et les populations les plus vulnérables. Les actions prises dès maintenant feront une différence, mais les options qui s’offrent à nous pour nous adapter deviennent de plus en plus limitées et moins efficaces à chaque augmentation de la température« .

Cadres et réglementations

Au cours des dernières décennies, des initiatives internationales promouvant des approches volontaires ont été développées pour orienter les projets d’investissement vers le développement durable. Parmi elles, les instruments de l’OCDE sur la Conduite Responsable des Entreprises (RBC), présentés par Marie Bouchard, proposent des recommandations aux gouvernements d’une part, et des directives aux entreprises pour éviter et traiter les impacts négatifs de leurs opérations, y compris dans leur chaîne de valeur, tout en contribuant au développement durable dans les pays où elles opèrent.
Une version mise à jour de ces instruments a été publiée en juin 2023 et est disponible sur le site de l’OCDE.

Au niveau national, le soutien offert par les cadres politiques en ce qui concerne l’adoption de pratiques commerciales durables est encore très limité. L’entrée en vigueur en janvier 2023 de la Directive sur la publication de l’information en matière de durabilité des entreprises – CSRD représente donc une étape majeure : l’Union européenne devient la première juridiction à mettre sur un pied d’égalité la publication financière et la publication de durabilité. Les principaux éléments du cadre financier durable de l’UE et de la CSRD ont été présentés par Alexandra Kuxova (DG GROW, Commission européenne) :

La CSRD établit une publication numérisée de l’information sur l’impact des entreprises et les risques en matière de durabilité pour les grandes entreprises, les sociétés cotées (à l’exception des micro-entreprises cotées) et les entreprises non-UE ayant des succursales ou des filiales dans l’UE dépassant au moins 2 des critères suivants :

  • Total du bilan : 20 millions d’euros ;
  • Chiffre d’affaires net : 40 millions d’euros ;
  • Nombre moyen de salariés au cours de l’exercice financier : 250.

La publication comprendra un rapport de gestion et une mise en évidence de l’information sur la durabilité conformément à la taxonomie numérique établie dans le règlement délégué de la Commission 2019/815 relatif au format électronique unique européen (ESEF), selon le calendrier suivant :

Stratégies et outils publics et privés

Les labels offrent une approche opérationnelle aux organisations publiques ou privées pour mesurer et promouvoir l’engagement des entreprises en matière de développement durable et de responsabilité sociale des entreprises (RSE). Comme l’ont souligné plusieurs intervenants, les avantages pour les entreprises comprennent une meilleure performance économique grâce à une consommation optimisée des ressources, des gains en termes de motivation des ressources humaines, des processus d’innovation améliorés, une meilleure gestion des risques non financiers.

La conférence a mis en lumière plusieurs exemples de labels de RSE, notamment le « Label RSE » établi par la CGEM au Maroc en 2007 et présenté par Hamza Fekak, le « Label RSE Tunisie » lancé par la Confédération des Entreprises Citoyennes de Tunisie (CONECT) en Tunisie en 2012 et présenté par Sadok Thabet, et le « Label Engagé RSE » développé par l’association française de normalisation AFNOR en 2017 et présenté par Mélodie Merenda. AFNOR a également lancé Responsibility Europe, un réseau de labels de RSE partageant les mêmes valeurs et exigences méthodologiques, en réponse à une « prolifération de labels de RSE » qui rend difficile l’identification de méthodologies robustes, comme l’a souligné France Stratégie. Les engagements requis pour rejoindre ce label de RSE Responsibility Europe sont disponibles sur le site.

Responsibility Europe s’étend au-delà des frontières de l’Union européenne, et CONECT évalue actuellement la faisabilité de travailler à une intégration de ce réseau avec le soutien du projet CLUSTER4GREEN. La pertinence de mettre en place une coopération régionale pour aligner les méthodologies des labels de RSE et/ou conclure des partenariats avec des initiatives similaires en Afrique du Nord et en Europe a été soulignée par la Fédération des Industries Égyptiennes (FEI), qui prévoit de créer un label de RSE, comme l’a expliqué El Sayed Torky, et par le Cercle d’Action et de Réflexion autour de l’Entreprise – CARE (Algérie), représenté par Ali Harbi, qui a mentionné une initiative similaire.

Des solutions d’analyse de données aidant les acteurs financiers à aligner leurs actions sur les objectifs de développement durable (ODD) ont également été présentées par Daniel Torrents (groupe AIS).

Mise en avant des pratiques des agences de promotion de l’investissement

Le suivi de l’impact des investissements est une pratique clé pour les agences de promotion de l’investissement afin d’aligner les projets sur les priorités et les stratégies de durabilité locales et nationales, et de prioriser le soutien public aux entreprises ayant le plus d’impact positif. Les outils numériques facilitent l’évaluation et la comparaison de la performance en matière de durabilité des projets commerciaux et contribuent à développer des connaissances pour mieux anticiper les impacts des projets d’investissement.

Dans le cadre de son programme ACP Business-Friendly, qui soutient les chaînes de valeur grâce à des politiques inclusives, à la promotion de l’investissement et à des alliances, l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI) met en œuvre un système de profilage numérique de l’investissement. Tamer Tandogan a présenté cette plateforme numérique pour la mise en relation de l’offre et de la demande d’investissement, permettant de promouvoir les projets d’investissement, de suivre leur performance, de gérer les services de suivi, d’assurer la collaboration avec les parties prenantes et de fournir des services de renseignement en termes de politique et de planification.

Un engagement élevé en matière de RSE prévaut au sein des organisations de commerce et de promotion (TPO), comme le montre le benchmark réalisé auprès de 19 TPO européennes par Business France et présenté par Marine Simon. Cependant, les stratégies et les outils des agences sont pour la plupart en cours de formalisation – moins d’un tiers des répondants disposent déjà d’un document cadre sur la RSE. Les perspectives des stratégies de durabilité ont été présentées par Natalie Farrugia (Malta Enterprise), Assia Bensaad (Agence Marocaine de Développement des Investissements et des Exportations – AMDIE, Maroc) et Carmen González (ACCIO) pour les objectifs ambitieux de la Catalogne en matière de création d’activités durables et innovantes.

ANIMA, qui travaille sur l’investissement durable depuis 2010, a enfin présenté IMPACT RATING, un outil en ligne permettant de noter l’impact du développement durable des entreprises. Le questionnaire et la méthodologie de notation, développés par un consortium d’organisations publiques, privées et de la société civile, bénéficient d’une reconnaissance internationale, notamment le soutien de l’Union européenne, de l’ITC et de l’UNEP-MAP, ainsi que le label de l’Union pour la Méditerranée.

La numérisation de l’outil en ligne IMPACT RATING, soutenue par les projets EBSOMED et CLUSTER4GREEN en 2022-20023, permet à toute organisation de soutien aux entreprises – agence, fédération d’entreprises, hub, chambre de commerce – de personnaliser son outil de notation en ligne disponible en mode SaaS et de l’utiliser comme base d’une stratégie d’investissement, d’un programme de soutien aux PME ou d’un programme de récompenses pour la durabilité, comme cela est souligné ci-dessous.

Alors que de nouvelles façons de penser et d’agir doivent être inventées pour faire face à des défis sans précédent, ANIMA, en collaboration avec ses partenaires l’Union pour la Méditerranée, la Commission européenne avec le projet EBSOMED et la GIZ, exprime sa gratitude envers les 80 organisations et les 15 pays qui ont partagé leurs idées lors de la conférence « Aligner l’investissement sur la durabilité » pour forger une compréhension commune et unir leurs forces pour promouvoir un paysage commercial responsable et un avenir durable pour la région euro-méditerranéenne.


Pour voir ou revoir la conférence, « Aligner l’investissement sur la durabilité », retrouvez le replay complet de l’evenement.

https://www.youtube.com/watch?v=I2Srro0VxxQ&ab_channel=UnionfortheMediterranean